" Je n'oublierai pas ces deux journées où j'ai accompagné l'association VNED,'Viêtnam les Enfants de la Dioxine', à la rencontre de 10 familles bâillonnées par la violence de leur destin. Deux journées où la beauté du collectif faisait sens.
Et ce matin, insuffler l'espoir est dans mon esprit.

La dioxine, ou l'Agent Orange, est le premier poison de Monsanto. Durant la guerre du Vietnam, l'armée américaine largue les avions au-dessus du pays et y répand ses pluies toxiques : la dioxine est ce puissant défoliant qui dévastera les terres du Vietnam et empoisonnera ses habitants, des aïeux jusqu'aux générations à venir. 

                                                                                                                                                                     Car la réalité de la contamination aujourd'hui, c'est son hérédité. Les malformations et les cancers se transmettent, aggravant les souffrances et torturant l'anatomie. Elle perpétuera sans fin ces victimes qui arrivent à la vie, marquées par les effets irréversibles de l'Agent Orange. Comme si les règles du jeu étaient déjà établies. La réalité de la contamination, c'est le fardeau qui pèse sur les épaules de ces familles 50 ans après la fin de la guerre. Chaque corps porte en sa chair les stigmates de ce produit chimique capable de détruire passé, présent et futur. Le dévaste physique est au reflet du dévaste psychologique, parce que la pauvreté et l'exclusion ravagent. Le drame doit-il être éternel ?

   

Mais ce matin, le combat est sans haine, le renouveau est désiré, sans esprit de revanche. Je n'oublierai pas ces deux journées, à la rencontre de ces familles qui malgré tout, restent portées vers l'avenir.
Nous sommes à Hanoï, en route vers les provinces de Nam Dinh et de Thai Binh. « Nous », désigne cette belle collaboration entre les bénévoles français et les bénévoles vietnamiens - qui sont au plus proche des habitants. Durant deux jours, nous partirons distribuer les bourses d'études et parrainages aux familles défavorisées. Chaque famille vietnamienne est accompagnée par une famille donatrice française, apportant un soutien moral et financier au quotidien des familles et à la scolarité des enfants. Et l'élan de générosité est émouvant !

    

Comme si chacun avait le sentiment qu'il ne fallait pas oublier, et que la vie pouvait se renouveler.
Alors nous entrons chez eux, et maison après maison, c'est une nouvelle leçon de vie. Nous écoutons les récits, nous admirons leur force, nous échangeons les bourses, les lettres, photos et cadeaux des parrains. La pudeur est digne, touchante de sincérité, tant leurs yeux brillent de reconnaissance et de détermination.

    
Selon moi, VNED n'apporte pas qu'un pansement temporaire sur le sort de ces familles, leurs actions sont essentielles, providentielles. C'est le refus de l'indifférence, c'est redonner à ces familles une nouvelle voix.
Ici, cette grand-mère de 70 ans prend courageusement en charge sa fille et son petit-fils, qui reçoit aujourd'hui sa bourse d'études. La mère est victime de la dioxine, on l'aperçoit dormir sur le lit, celui sur lequel tous les 3 dorment, dans cet habitat de 10m2. La force du Vietnam réside incontestablement dans sa famille, et dans sa solidarité infinie. Plus loin, ce sont l'oncle et la grand-mère qui s'occupent de ces deux filles abandonnées par leurs parents. Ils sont plus décidés que jamais à sortir de la précarité, les diplômes d'études des filles arborent fièrement les murs. Le handicap est lourd, mais les visages sourient, l'humanité prend au cœur.

    
Parfois, c'est le cœur meurtri que l'on voit ces enfants ne pas perdre de leur vitalité, même ensevelis par ces conditions. Mais l'amour de la famille est là, pour que l'innocence ne s'envole pas. Et bientôt, ils réussiront leurs études, apprendront un métier. Ces enfants de la dioxine représentent l'espoir d'un futur meilleur. Et dorénavant, les cartes du jeu seront un tant soit peu redistribuées."
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Ashley VU

Février 2020