Quel est ce produit?

C’est un herbicide-défoliant donc une substance chimique pour détruire les mauvaises herbes et qui peut faire tomber les feuilles des arbres. En réalité il pouvait détruire, selon les concentrations employées, des cultures, toutes les cultures en particulier au Vietnam les rizières ainsi que les forêts desséchant jusqu’aux troncs d’arbres.

Appelé Agent Orange en raison d’une bande orange peinte sur les fûts de 208 litres qui le contenaient.

 

Fabriqué par

des Sociétés de produits chimiques, pour répondre aux besoins du gouvernement des Etats-Unis. Au nombre d’une cinquantaine de firmes dont Monsanto et Dow Chemical principalement mais aussi Ansul, Diamond Alkali, Hercules, Thompson Chemical, Thompson Hayward et Uniroyal Chemical entre autres.

Usage fait au VN par les américains

En août 1961 démarrait l’opération Ranch Hand de l’armée américaine en vue de réduire la couverture forestière et priver ainsi l’armée du Nord et la résistance vietnamienne du Sud du refuge naturel que constituait la jungle pour s’infiltrer, transporter armes et munitions (piste Ho Chi Minh) combattre et pour vivre dans toutes les zones de maquis où furent détruites aussi des rizières afin d’affaiblir l’ennemi.

Jusqu’en 1971, plus de 77 millions de litres de défoliants et herbicides dont l’agent orange qui contenait de la dioxine, composé chimique extrêmement toxique et stable, furent déversés sur le Vietnam

Toxicité?

Reconnue dès le début de la fabrication de l‘AO, avec des accidents en Italie (Seveso), au Japon (Yusho) et à Taïwan (Yu Cheng) chez des ouvriers dans les usines et aussi chez des fermiers utilisant les herbicides.

Formule chimique: tétrachloro-dibenzo-paradioxine ou TCDD comportant 4 atomes de chlore et 2 noyaux benzène qui expliquent la toxicité et la stabilité de ce produit.

Toxicité retrouvée dans les PCDF et les PCB dont on parle beaucoup actuellement.

Effet immédiat

Lors des épandages par avions ou hélicoptères, en cas de nuage dense à basse altitude : démangeaisons, malaise général, troubles respiratoires, suffocation, parfois mort.

Nombre de victimes actuelles?

Difficile à donner. Les victimes potentielles des zones « traitées » par l’AO de 1961 à 1971 étaient de 2,1 à 4,8 millions, selon les estimations. 40 ans après, les victimes sont les générations suivantes, deuxième et troisième générations essentiellement.

Effets sur l’homme? Sur plusieurs générations?

Des listes de maladies ont été établies par l’Académie nationale des Sciences des Etats-Unis et sont révisées tous les 2 ans et imputent à l’AO des maladies sanguines graves, des affections cutanées rebelles et divers types de cancers, avec forte suspicion de perturbations hormonales variées, d’anomalies de grossesse et d’apparition de malformations néonatales.

Le type et le nombre d’anomalies chez les enfants et petits-enfants des personnes contaminées sont particulièrement inquiétants pour les scientifiques depuis des dizaines d’années et si la causalité formelle, indiscutable reste impossible à établir il existe dans la plupart des cas de solides faisceaux de présomptions et des hypothèses scientifiques valables pour incriminer l’AO donc la dioxine.

 

Durée de vie dans le sol?

La durée de vie de la dioxine dans la nature est variable selon les sols, leur degré d’humidité et la profondeur de la contamination. La demi-vie, temps pour que la moitié de la substance disparaisse ou devienne inefficace, a été estimée à 7-8 ans puis à 10-17 ans. Au VN on constate que 40 ans après, il reste dans des zones « réserves » ou « points chauds » des quantités non négligeables de dioxine.

 

Possibilité de nettoyage des sols?

Spontanément par les pluies (lavage) et soleil (photo-décomposition). Essais de destruction par micro-organismes (bactéries, mousses, champignons). Par produit chimique absorbant (bentonite). Enfin par chauffage à température élevée (autour de 1000 degrés) avec de la chaux vive - ce serait la technique envisagée actuellement sur d’anciens sites de stockage de l’AO à Da Nang et Bien Hoa.

Y a-t’il encore beaucoup d’enfants qui naissent contaminés?

Pas de nombre exact connu sur l’ensemble du territoire. Il semble surtout que le nombre et un certain type d’anomalies à la naissance soient constatés dans les zones où ont eu lieu les épandages d’AO et dans les familles où les parents, les grands-parents ont vécu ou combattu longtemps dans des régions contaminées (enquêtes sociales en cours). Des statistiques par province ont été demandées à la Croix Rouge vietnamienne.

Réponses sur la Dioxine

 

La Dioxine est-elle la même que celle qui est mesurée actuellement à Grenoble, là où on brûle des ordures ménagères?

Oui, sans doute. Il y a de nombreuses dioxines : la TCDD, la plus toxique, trouvée au VN, a 75 congénères (formule chimique voisine) et 419 produits sont dioxine-like ou apparentés. Savoir que la dioxine TCDD apparaît en cas de chaleur élevée et de présence de chlore, donc de combustion d’ordures ménagères, mais aussi dans la sidérurgie, la fabrication d’eau de Javel, le recyclage de métaux ferreux, le fonctionnement de centrales thermiques, les feux de tourbe, les éruptions volcaniques.

Examens à faire:

Là où il y a possibilité d’apparition de dioxine, les autorités font des contrôles périodiques et vérifient les taux trouvés dans les effluents (fumées, air - quant à l’eau la dioxine n’est pas hydrosoluble mais pourrait cependant être transportée par l’eau) et les comparent aux normes réputées sans risques.

Pour les personnes, divers dosages (sang, lait, graisses) peuvent être faits par de très rares laboratoires experts en toxicologie avec du matériel spécialisé, pratiquant une technique difficile et coûteuse. Un laboratoire courant d’analyses médicales ne peut pas faire cet examen mais il peut faire le prélèvement et le transmettre.

 

 

Réponses concernant les victimes

Victimes américaines et coréennes indemnisées?

Des victimes américaines, des vétérans et leurs familles comportant en particulier des enfants malformés ont obtenu, avec beaucoup de difficultés, en 1984 une somme globale de 180 millions de dollars, provenant de 7 principaux fournisseurs d’AO à partager contre l’engagement de cesser toute poursuite pénale.

Des vétérans sud-coréens ont obtenu aux USA, en appel en 2006 de Monsanto et Dow Chemical 62 millions de dollars pour 6 800 familles choisies parmi 20 000 dossiers.

 

Autres victimes ?

Des canadiens ayant subi une contamination lors d’essais d’AO en 1966-67 au Canada ont reçu en 2011 une indemnité forfaitaire de 20 000 dollars par plaignant.

Restent des victimes potentielles en Australie et Nouvelle-Zélande et aux Philippines. Quant au Cambodge et Laos le problème sans doute méconnu n’est pas évoqué..

Aide du gouvernement vietnamien?

Des aides modestes sont accordées aux victimes reconnues comme porteuses probables de séquelles de contamination par la dioxine selon les parcours de vie des parents ou grands-parents, anciens combattants par exemple.

Aide du gouvernement américain?

Aucune jusqu’à présent pour les familles de victimes. La seule aide accordée depuis peu avec difficulté concerne le nettoyage de l’ancienne base de stockage de l’AO à Danang.

Aides des entreprises américaines?

Les sociétés de produits chimiques ne reconnaissent pas leur responsabilité envers les victimes vietnamiennes, ayant fourni à la demande du gouvernement des Etats-Unis un simple produit « herbicide ».

 

Procès?

Procès intenté par des victimes vietnamiennes aux Etats-Unis en 2005 à New York devant le tribunal de 1ère instance de Brooklyn qui se déclare incompétent.

Procès en appel en 2007 à Albany devant la Cour Fédérale du second circuit de l’Etat de New York qui rejette la plainte.

Pourvoi en Cour Suprême des E-U à Washington rejeté en février 2009.

2013 : La Cour Suprême Sud-Coréenne reconnaît la responsabilité de Monsanto et de Dow Chemicals dans les maladies de peau développées par des vétérans ayant combattu au Vietnam.

Printemps 2014 : Le cabinet d’avocats Bourdon dépose au tribunal d’Evry, France, une plainte de Trần Tố Nga contre 26 multinationales de l’industrie agro-chimique américaines, dont Monsanto et Dow Chemicals, ayant fabriqué ou fourni l’Agent Orange déversé sur le Sud-Vietnam pendant la guerre.

10 mai 2021 : La plainte est jugée irrecevable, jugement auquel les avocats de Trần Tố Nga ont interjeté l'appel

 

 

Perspectives d’avenir (dédommagement; rénovation des sols; remèdes…)

Des juristes, des associations de victimes envisagent de porter plainte auprès d’une Juridiction Internationale, ce qui n’est pas une mince affaire.

Des procédés de rénovation des sols commencent à Danang et seraient envisagés à Bien Hoa.

Nos enfants parrainés dans tout ça?

L’association VNED travaille en relation avec la Croix Rouge vietnamienne et une association de Victimes de l’AO (VAVA).

Des enfants handicapés sont examinés pour déterminer le type et la gravité des atteintes physiques ou psychiques.

Selon les cas, des interventions chirurgicales, des appareillages divers, des traitements médicaux sont envisagés puis réalisés.

Des aides diverses sont proposées aux familles souvent pauvres pour l’éducation des enfants, les soins médicaux nécessaires et des micro-prêts permettent parfois le démarrage d’un petit revenu.

 

Actuellement ceux qui vivent dans les zones polluées s’empoisonnent-ils?

Il reste les « points chauds » bien connus, répertoriés mais subsistent aussi des vallées ou des hauts plateaux où les taux de dioxine dans l’environnement ont été très élevés et où la contamination par les sols et l’alimentation est peut-être encore possible.

Les victimes peuvent-elles être dédommagées?

Dans l’avenir peut-être. Mais le plus important c’est aider les victimes actuelles, faire face aux handicaps, accroître les recherches pour comprendre le mécanisme de contamination, savoir enfin si le capital génétique a été perturbé.

Qu’en est-il au Laos et au Cambodge?

A ma connaissance, pour avoir été responsable de formation de personnel sanitaire au Cambodge pendant presque 4 ans, le problème est méconnu, jamais évoqué.

Au Laos, je ne sais pas vraiment, j’y suis passé mais n’y ai pas travaillé. On ne m’a pas parlé du problème. Je n’ai pas vu d’enfants particulièrement handicapés mais il faut savoir que s’il y en a ils restent cachés dans les familles.

 

Dr Jean Meynard, vice-président de VNED en charge des questions médicales

Dr Jean Meynard - Vice PresidentDr Jean Meynard